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04.2010

Dans la troisième incarnation du projet, le séminaire d'études supérieures en histoire urbaine de Montréal s’est penché sur l’étude d’espaces publics afin de comparer les caractéristiques spatiales et visuelles appartenant au passé et celles relevant du présent d’un site donné. Dans son projet Arcades, le critique Walter Benjamin utilise le terme « la dialectique de l’image » pour décrire son expérience des passages recouverts ou arcades qui ont fait partis de la transformation de Paris par le baron Haussmann (1809-1891) à la fin du XIXe siècle. Dans les années 1930 lorsque Benjamin écrit sur le sujet, les arcades sont déjà tombées en désuétude et sont devenues en quelque sorte des ruines. Cependant, comme il le souligne, ce ne sont pas tant les arcades elles-mêmes que le Second Empire qui tombe en ruine : société à laquelle elles appartenaient. Pour Benjamin, la seule manière de faire revivre les arcades est de confronter la grandeur du passé à la réalité du présent et de s’imprégner des manifestations du passé, de ses échecs et de sa beauté. Jane Rendell, théoricienne de l'architecture, suggère que la dialectique de l’image est « a moment where the past is recognized in the present as a ruin that was once desired » 1 (2006, 77).

Comment le concept de « la dialectique de l’image », ou de la « ruin that was once desired »2, pourrait être utile à l'étude de l'environnement bâti de Montréal ? L’étude de l’architecture historique et de l'espace urbain, par exemple, pourrait fournir des indices sur la façon dont le pouvoir a autrefois été exprimé à travers les demeures, les hôtels de ville, les universités, etc. Elle permettrait aussi de comprendre de quelle manière les valeurs ont été représentées via la création de parcs publics et les institutions. Enfin, elle servirait à déterminer qu’elles sont les voix qui peuvent être encore entendues : celles des dirigeants municipaux et des philanthropes et celles dont l’expression a été étouffée par les transformations urbaines, telles que les plans d’urbanisme et la disparition des bidonvilles. La forme contemporaine de la ville peut aussi renseigner sur les préoccupations, les priorités et les luttes actuelles. Montréal regorge de ces sites où se mêlent à l'expérience spatiale les diverses histoires du pouvoir, de la politique et de la culture. Cependant, aucun autre site urbain n’est aussi révélateur de cette dialectique entre le passé et le présent que les espaces publics.

Les auteurs des textes que l’on trouve sur ce site se sont transformés l’espace d’un moment en archéologues culturels.  En comparant une image historique d'un espace public de Montréal à la situation actuelle du même lieu, les étudiants se sont intéressés aux transformations architecturales et sociales de ce site au fil du temps. Ils se sont attardés plus spécifiquement sur ce qui a été, architecturalement parlant, préservé du passé et sur ce qui a été célébré, rénové, excisé et/ou effacé du lieu. Ils se sont aussi demandé ce que ces gestes pouvaient exprimer à propos de la ville et comment la multiplication des couches parvenait à communiquer une continuité ou une contradiction, la ruine ou la rupture ? La visite des sites, les ressources archivistiques et la culture visuelle disponible ont permis aux participants de Palimpseste III de considérer leur site en tant que paysage culturel afin d’analyser un moment précis du passé et d’en révéler les traces de l’histoire polyphonique.

Dr. Cynthia Hammond [cynthia.hammond@concordia.ca]
Professeure au département d’histoire de l’art de l'Université Concordia
Éditrice, Palimpseste III

1. Un moment où le passé est reconnu dans le présent comme une ruine qui était autrefois désiré (Traduction libre).

2. Une ruine qui était autrefois désiré (Traduction libre).

 

 

 



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